Les ressources en ligne des musées L'oeuvre du mois Portrait de dame Jacqueline Robins de Jacques-François Le...

L’œuvre

Attribué à Jacques-François Lemaire, le Portrait de dame Jacqueline Robins est entré dans les collections des musées de Saint-Omer lors de la vente Vandenberghe en 1931. Jacques-François Lemaire est né à Vendin-lez-Béthune en 1712 et décédé le 14 août 1780 à Saint-Omer. En 1952, il se trouve attaché à la maison de Monseigneur Joseph-Alphonse de Valbelle, évêque de Saint-Omer (1727-1754) et épouse une audomaroise, Marie-Dominique Mercier. Essentiellement peintre de portraits, c’est notamment à Lemaire que l’on doit trois portraits des évêques de Valbelle, auparavant situés dans la chapelle de l’Hôpital général de Saint-Omer et appartenant  aujourd’hui encore u Centre hospitalier de la région de Saint-Omer. Le musée de l’hôtel Sandelin, quant à lui, conserve deux tableaux de l’artiste, en plus du Portrait de Jacqueline Robins dont l’attribution est incertaine.
L’un, figurant L’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer (Ill. 2), est actuellement exposé dans la salle d’art religieux.

Ill.2. Jacques-François Lemaire, L’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer, 1776, huile sur toile, Saint-Omer, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 0173 CM

Le second, un autoportrait (Ill. 3), est conservé dans les réserves du musée. La renommée de Jacques-François Lemaire ne s’est pas étendue au-delà de Saint-Omer

Ill.3 Jacques-François Lemaire Autoportrait, 18e siècle, huile sur toile, Saint-Omer, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 1371 CD

Description et analyse de la composition

L’oeuvre représente Jacqueline Robins au sein d’une architecture ouverte sur l’extérieur. Au premier plan, dans l’angle inférieur gauche, se trouve un petit chien assis sur un mobilier en marbre agrémenté de rinceaux sculptés dorés. Le petit chien tend la patte avant droite à Jacqueline Robins qui la soutient de sa main gauche. De l’autre main, la dame caresse l’animal. Jacquelin Robins est représentée au second plan, de trois quarts. Elle regarde le spectateur, légèrement souriante. L’artiste figure la dame dans une attitude noble et fière mais n’idéalise pourtant pas ses traits, un long nez, un double menton et même un léger strabisme.

Jacqueline Robins porte une robe noire ornée de motifs floraux blancs ainsi qu’un châle noir transparent. Dessous, une autre robe dont les manches sont ornées de dentelles. Son visage est recouvert d’une coiffe assortie qui laisse apparaître une chevelure grise. Parmi les bijoux portés, on distingue une boucle à l’oreille gauche, un crucifix autour du cou ainsi qu’une bague au petit doigt gauche et une alliance à l’annulaire gauche. L’arrière-plan est constitué d’éléments architecturaux, une balustrade surmontée d’une colonne, ainsi que d’un rideau rouge, attributs traditionnels des portraits de la noblesse. Une ouverture donne sur l’extérieur, un paysage composé d’arbres, de montagnes et d’un ciel nuageux. L’ensemble contribue à donner un aspect théâtral à la composition. L’ameublement luxueux, les bijoux, les dentelles de la toilette prouvent le milieu social aisé de dame Jacqueline Robins tandis que le chien et l’alliance semblent symboliser la fidélité de la dame.

Jacqueline Robins ou le mythe controversé d'une héroïne

Une légende populaire avait fait de Jacqueline Robins une héroïne ayant sauvé Saint-Omer du siège des troupes autrichiennes de 1710 en assurant à la ville un ravitaillement en vivres et en munition. Or le siège n’a jamais eu lieu et Jacqueline Robins, loin d’être une femme du peuple comme le voulait la légende, n’a jamais accompli de tels actes ! Qui était donc réellement Jacqueline Robins ? Comment est né le mythe d’une héroïne audomaroise ?

Issue d’une famille honorable, Jacqueline-Isabelle Robins est née à Saint-Omer le 14 janvier 1658. Son père, Robert
Robins, ancien échevin, exploitait une brasserie dans l’actuelle rue du triqueballe. Le 16 août 1678, Jacqueline, alors âgée de vingt ans épousa Eugène Thiembronne, qui appartenait à une famille riche. Le couple s’installe dans une maison située au numéro 127 de l’actuelle rue de Dunkerque, propriété vers 1650 des Thiembronne. Jacqueline Robins est ensuite notée propriétaire de la demeure en 1698. Reconstruite vers 1889, la maison actuelle comporte un relief figurant un navire et sur lequel est gravée l’inscription Bateau d'Hollande, probablement en mémoire de Jacqueline Robins (Ill. 4).

Ill. 4 Façade du n°127 rue de Dunkerque

En effet, l’autre propriété des Thiembronne-Robins, le Grand Hollande était une brasserie et un entrepôt de liqueurs et de vins sise sur l’actuelle place du Haut-Pont. C’est peut-être cette vaste demeure qui est figurée en partie sur le tableau. Non loin se trouvait la passerelle auprès de laquelle accostait la barque qui embarquait personnes et marchandises vers Calais, Bourbourg, Gravelines et Dunkerque. Jacqueline Robins se rendra adjudicataire du service des barques de Saint-Omer à Dunkerque.

Eugène Thiembronne meurt en 1692 et Jacqueline Robins se remarie moins de six mois après, le 1er janvier 1693, avec Denis François Joets, âgé de 32 ans, qui décèdera peu de temps plus tard, en 1694. En troisièmes noces, le
23 avril 1697, Jacqueline Robins épouse François Boyaval, âgé de 26 ans, seigneur de Cambronne et de Vandervelde, capitaine aux mousquetaires gris du roi. Enrichie par ses diverses alliances, Jacqueline Robins achète des fermes qu’elle dirigea, en plus de la brasserie et de l’entrepôt des liqueurs, jusqu’à son décès survenu le 12 avril 1732. Le portrait de Saint-Omer restitue bien l’image d’une femme d’un rang social élevé dont nous savons par ailleurs que le sens des affaires à contribué à rendre le personnage influent.

Ce sont notamment des « historiens » locaux, tels H. Piers, J. Derheims et Lauwereyns de Roosendaele, qui, au début du 18e siècle, créèrent la légende de Jacqueline Robins comme femme du peuple et héroïne qui aurait ravitaillé en vivres et en munitions, dans sa « barque », la ville de Saint-Omer, à la veille du siège par les troupes autrichiennes de Marlborough en 1710. En reconnaissance de la dame et de sa bravoure, une statue de bronze
fut élevée en 1884 sur la place du Vainquai (Ill. 5).

Carte postale - statue de Jacqueline Robins
Ill. 5 Carte postale, 11. La statue de Jacqueline Robins – La tour Saint-Bertin, début du 20e siècle, Saint-Omer, Bibliothèque d’agglomération, 1 Fi 28

Réalisée par Edouard Lormier, cette oeuvre, qui représente Jacqueline Robins dans une attitude énergique et déterminée, à la fois héroïne et femme du peuple, est très éloignée du portrait conservé au musée de Saint-Omer,
plus proche de la réalité historique. La polémique autour de l’érection de la statue a incité les historiens à étudier les documents concernant Jacqueline Robins et à remettre en cause sa légende. Ils démontrèrent qu’en réalité, il n’y a pas eu de tentative de siège en 1710, que le ravitaillement fut opéré par le ministère de la guerre et que Jacqueline Robins n’avait pas affermé la barque de Saint-Omer ces années-là. Controversée, la statue fut finalement transférée place de la Ghière dans le Haut-Pont et remplacée par le buste d’Alexandre Ribot en 1936. Elle fut ensuite fondue par les Allemands au cours de la seconde guerre mondiale, vers 1944. Le musée de l’hôtel Sandelin conserve cependant le relief en bronze qui ornait son socle et figurait Jacqueline Robins sur sa barque (Ill. 6).

Ill. 6 Edouard Lormier, Jacqueline Robins sur sa barque, 1884, bronze, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 981.196
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