Cette noix de coco sculptée et montée en coupe a été présentée de juillet à octobre 2013 dans le cadre de l’exposition "L’Europe des Merveilles" du musée de Saint-Antoine l’Abbaye. Elle est issue d’une donation de Monsieur de Monnecove effectuée en 1834, peu après l’ouverture du muséum de Saint-Omer. Cette œuvre est habituellement exposée dans la vitrine du cabinet Renaissance.

Par la facture et le style de l’objet, on suppose qu’il a été réalisé en Flandre, à Anvers, au milieu du 16e siècle. Ces noix de coco sont montées dans des ateliers d’orfèvrerie : on remarque dans l’arrière-plan d’Un orfèvre dans son atelier peint par Petrus Christus (ill. 2), l’image d’une noix de coco montée qui montre déjà l’attrait des artistes, et des très riches bourgeois, pour ce type d’objets au milieu du 15e siècle. On retrouve régulièrement sur les œuvres des orfèvres anversois trois poinçons : celui du maître, de la corporation et celui de l’année. Mais sur la coupe de Saint-Omer, il existe un poinçon unique, sur le col, qui n’a pas encore permis d’identifier l’artiste.

La noix de coco est déjà connue en Europe, pendant le Moyen Âge, et la plus ancienne noix de coco sur monture orfévrée conservée daterait de 1250 selon Jay Levenson. Elle devait alors être utilisée comme reliquaire. La noix de coco sculptée et enserrée dans une monture d’orfèvrerie fait partie des objets qui combinent à eux seuls tout un concentré de courants de pensées qu’on attribue à la Renaissance. Par son matériau, elle évoque l’attrait pour l’exotisme lié aux grandes découvertes de la fin du 15e et du 16e siècle.

À la Renaissance, l’objet fascine les amateurs les plus riches et les artistes. Ces derniers vont se réapproprier la noix de coco et l’utiliser comme medium pour y traduire le mystère et la curiosité propre aux objets exotiques. Ici, en dehors du fruit en lui-même, c’est grâce à la face d’un lion ou d’un singe, figurée sur le couvercle, que l’aspect fascinant de l’objet et de sa provenance est montré. L’animal vient renforcer le caractère exotique de l’objet et sa préciosité, par l’incrustation de perles dans les narines et de pierreries rouges dans les yeux. Il évoque en tant qu’animal lointain, l’aspect à la fois mystérieux et fantastique de la noix de coco et des terres lointaines. Sa gueule ouverte correspond à l’orifice par lequel le fruit était accroché à sa branche. Elle laisse dépasser un embout métallique : on peut supposer, par analogie avec la noix de coco du Palais des Beaux-Arts de Lille (ill. 3), qu’il servait de support à une figure surplombant la coupe.

Ill. 3 Coupe à couvercle, Pays-Bas du Sud, milieu 16e siècle Lille, Palais des Beaux-Arts

Cette de coco est également témoin de l’attrait pour l’Antiquité au 16e siècle. Sur sa surface sont sculptés en bas-relief trois portraits en médaillon. Ces portraits représentent un homme et deux femmes. Chaque médaillon est cerclé de motifs géométriques, sur un fond de luxuriants rinceaux végétaux. La chevelure de l’une des deux jeunes femmes est délicatement relevée au-dessus de la nuque, et son front ceint d’une tiare : cette coiffure est typique du 16e siècle. Les deux autres portraits sont eux marqués par l’inspiration de l’auteur par l’Antiquité. L’homme ne semble pas être vêtu à la mode de l’époque, mais porter une toge, la seconde femme porte une coiffe beaucoup plus complexe, qui pourrait évoquer la déesse Athéna.

Noix de coco sculptée montée en coupe dans une monture vermeil Pays-Bas du Sud, milieu du 16e siècle Saint-Omer, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 2101

Si l’identité de cette dernière reste hypothétique, le port d’une tenue romaine, comme on peut le supposer grâce à son épaule dénudée, ne fait aucun doute quant à la représentation d’une figure à l’antique. Les profils évoquent ceux que l’on retrouvait sur les pièces de monnaie romaines. De même, les angelots dans les écoinçons rappellent les figures de victoires ailées que l’on retrouve sur les sarcophages romains.

Des colonnettes en vermeil séparent en trois la surface du fruit et trois représentations en médaillons y sont intégrées. Chacune représente un homme : un imberbe, qui semble très jeune, et deux plus âgés. Deux d’entre-eux sont de face, le dernier de profil : on remarque d’ailleurs que ce portrait est davantage travaillé que les deux précédents. L’homme porte une coiffe et une tenue caractéristiques du 16e siècle, et une barbe taillée en pointe.

Sous le col de la coupe sont sculptés une torsade, un bandeau perlé et une guirlande de fruits : cette dernière peut faire écho au matériau de l’objet. On suppose que cette coupe a été sculptée à l’occasion de fiançailles, et qu’elle aurait vocation à célébrer celles-ci : la jeune fille aux cheveux attachés et l’homme pourraient être fiancés. Le sens du détail est d’ailleurs assez aigu dans le portrait masculin et pourrait évoquer un portrait du commanditaire lui-même. Mais plusieurs interrogations subsistent quant à la validité de cette hypothèse. Le pouvoir aphrodisiaque du fruit, tel que l’affirme un voyageur oriental pendant le 16e siècle, vient-il confirmer la commémoration nuptiale que représente la commande de l’objet ?

Plus probablement, cet objet pouvait être destiné à un cabinet de curiosités. Ceux-ci se développent à partir de la Renaissance, au début du 16e siècle. Fascinés par les richesses de la nature, des collectionneurs vont conserver, dans des pièces dédiées, les merveilles et curiosités de celle-ci : des coquillages, des plantes rares, des lézards séchés… On y retrouve parfois des objets à vocation plus mythique que réaliste, comme la mandragore, ou de prétendues cornes de licorne. Mais l’intérêt des cabinets ne se limite pas à ces objets : ils comprennent également des instruments scientifiques, des tableaux, des pièces de monnaies ou des antiquités.

D’autres noix de coco ont également été sculptées et montées dans des structures orfévrées, en or ou vermeil et parfois émaillées. On peut par exemple évoquer la noix de coco anversoise conservée par le Palais des Beaux-arts de Lille (ill. 3). Cette noix de coco est assez proche de celle conservée par le musée Sandelin dans son iconographie et sa structure : elle est également sculptée de trois portraits de profil en médaillon et le couvercle représente un lion dont les narines sont aussi serties de perles.

Le montage dans des structures orfévrées de ce fruit ne se limite pas aux Pays-Bas du Sud. On trouve également huit très beaux exemples de coupes en noix de coco en Angleterre à la fin du 15e siècle, dont les montures reprennent des feuillages d’arbres, et le pied, un tronc entouré de palissades (Ill. 4).

Ill. 4 Noix de coco sculptée en coupe, Angleterre, fin du 15e siècle, Oxford, The Warden and Fellow - New College

La noix de coco, parce qu’elle est importée en grand nombre en Europe à partir du 17e siècle, perd de son aspect rare et merveilleux : elle continue néanmoins à être sculptée sur le continent. Elle ne se limite d’ailleurs pas à des reliquaires ou des objets de table.
À partir du 18e siècle, de nombreuses noix de coco sont sculptées au canif par les bagnards : les voyageurs les achètent alors, en souvenir de leur visite, au magasin du bagne. Cette pratique, très répandue en Europe, en Amérique et en Asie a laissé de nombreux témoignages derrière elle (ill. 5).

Ill. 5 Noix de coco sculptée, Guyane, 19e siècle, La Seyne-sur-Mer, Musée Balaguier
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