Les ressources en ligne des musées L'oeuvre du mois Trois portraits miniatures du Musée de l’hôtel Sandelin

Les portraits miniatures du Musée de l’hôtel Sandelin

En 1933, le legs de la baronne Joseph-Marie du Teil Chaix d’Est-Ange fait entrer au musée de Saint-Omer diverses œuvres, parmi lesquelles une série de portraits miniatures. Onze de ces petits portraits figurent des membres de la famille du Teil Chaix-d’Est-Ange, les autres des personnages dont l’identité n’est pas toujours connue. Ainsi, les trois petits portraits représentent des individus dont seul le costume permet une contextualisation.

Des portraits dont l’identité demeure mystérieuse

Ces trois petits portraits disposent d’un cadre similaire ovale ou rond en laiton doré et d’un cadre extérieur en bois de forme carrée. Les portraits étant d’époques et de styles différents, ces cadres ont nécessairement été ajoutés a posteriori.
Le plus ancien de ces portraits représente une jeune fille noble (ill.1).

Nodirt, Portrait d’une jeune fille, France, 18e siècle, gouache sur carton, 12.5 x 11.3 cm (avec cadre), Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 8230

En buste, de face, elle se détache sur un fond neutre qui s’éclaircit progressivement vers la droite allant du gris au blanc cassé. Vêtue d’une robe rouge ornée de brocard et de dentelles, coiffée d’une perruque agrémentée d’un petit noeud rose, la jeune fille regarde vers sa droite en souriant légèrement. L’éclairage, venant de gauche, illumine le visage et renforce la douceur et la délicatesse de la composition. Le costume et la coiffure permettent de dater l’oeuvre du 18e siècle. Au centre, à droite, ce portrait est signé « NODIRT », artiste dont nous ne possédons malheureusement aucune information.

Les deux autres portraits, représentant, d’une part, un officier de l’armée impériale (ill. 2) et, d’autre part, une dame (ill.3) sont plus tardifs et datés du 19e siècle.

Portrait d’un officier de l’armée impériale, Anonyme, France, 1er quart du 19e siècle, Gouache sur carton, 11.5 x 10.5 cm (avec cadre), Saint-Omer, Musée de l’hôtel, Sandelin, inv. 8231 // Portrait d’une femme, Anonyme, France, 1ère moitié du 19e siècle, Gouache sur carton, 12.5 x 12.5 cm (avec cadre), Saint-Omer, Musée de l’hôtel, Sandelin, inv. 8232

En buste, de trois-quarts, le portrait d’un officier de l’armée impériale est plus solennel. Le fond gris foncé met en valeur le jaune du costume et accentue la pâleur d’un visage impassible. Chaque cheveu est peint avec précision tandis que les ornements du costume sont moins détaillés.

Le portrait figurant la femme en robe noire est probablement le plus individualisé des trois (ill. 3). Sur un fond neutre gris foncé qui met en valeur la carnation de la peau, la dame est figurée en buste, de trois-quarts, tournée vers le spectateur. Elle porte une élégante tenue noire agrémentée de dentelle blanche. Une ceinture, une boucle d’oreille ainsi qu’un peigne sont les seuls accessoires visibles. L’artiste s’est également attaché à mettre en valeur la coiffure très travaillée. La touche est très lisse, le tissu et les détails rendus avec beaucoup de précision. Une certaine rigueur se dégage du personnage, renforcée par les traits sévères du visage. L’inventaire du musée mentionne qu’il pourrait s’agir du portrait d’une certaine Madame Bertin.

Naissance, âge d’or et déclin du portrait miniature

Si ces trois petits portraits datent des 18e et 19e siècles, l’histoire du portrait miniature est beaucoup plus ancienne. En effet, la réalisation de portraits de petite taille pouvant être transportés, offerts, portés ou cachés est attestée dès l’Antiquité. Mais le premier portrait en miniature actuellement connu est l’autoportrait sur émail de Jean Fouquet (ill. 4), réalisé vers 1450, qui ornait autrefois le cadre du diptyque de la collégiale Notre-Dame de Milan. Il faudra ensuite attendre les années 1520-1530 pour que l’art du portrait en miniature prenne naissance dans une zone géographique comprise entre les bords de la Loire et Bruges.

Jean Fouquet, Autoportrait, Vers 1450, émail sur cuivre Paris, musée du Louvre, OA 56

C’est ensuite à Londres que la constitution d’un milieu cohérent d’artistes permet l’émergence du portrait en miniature en tant qu’art autonome. Nicolas Hilliard (1547-1619) et Isaac Oliver (mort en 1617) en sont les principaux représentants. À la cour de France, les premiers portraits en miniature sont attribués à Jean Clouet (1485/1490-1541) et à son fils, François. Si Jean Toutin I perfectionne ensuite la technique de la miniature sur émail, c’est surtout avec l’arrivée à Paris de l’émailleur Jean Petitot (1607-1691) que l’art du portrait en miniature s’impose en tant que tel.
Plus tard, Jean-Baptiste Massé (1687-1767) sera l’un des rares miniaturistes français à avoir adopté l’ivoire comme support (introduit à Paris en 1720/1721 par l’artiste itinérante vénitienne Rosalba Carriera). C’est avec l’arrivée à Paris du suédois Pierre Adolphe Hall (1739-1793) en 1766 qu’est inauguré l’âge d’or du portrait-miniature peint sur des plaques d’ivoire.
Au 19e siècle, les artistes lorrains Jean-Baptiste Jacques Augustin (1759-1832) et Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), avec une technique pointilliste, connaissent un grand succès et constituent de véritables ateliers où sont formés de nombreux élèves.
Avec le développement de la photographie au milieu du 19e siècle, l’art du portrait miniature évolue. Dans les années 1850 sont notamment réalisés des portraits cartes en photographie rehaussés de peinture. Aujourd’hui, seuls quelques rares artistes font perdurer l’art du portrait miniature.

Technique

Les techniques adoptées pour la réalisation du portrait miniature vont se diversifier au fil des siècles.
Au 16e siècle, les peintres de miniatures travaillent à la gouache sur parchemin tendu sur un carton. Au 17e siècle se développe la technique de l’émail sur métal, illustrée notamment par l’émailleur genevois Jean Petitot et d’autres artistes suisses jusqu’au début du 19e siècle.
Le 18e siècle voit le triomphe de la miniature à la gouache sur ivoire. Ce dernier peut être employé en plaques très minces qui permettent au peintre de jouer sur sa translucidité, de peindre au verso pour intensifier certains tons ou d’y placer une feuille d’argent, appelée « paillon », qui accentue la luminosité de la surface.
A la fin du 18e siècle et au 19e siècle se généralise l’emploi du vélin, plus souple que le parchemin, qui est tendu sur un carton ou sur une plaque de tôle. Parallèlement se répand la technique de l’aquarelle, appréciée pour les effets de transparence et les tons clairs qu’elle autorise.
Les trois petits portraits du musée de l’hôtel Sandelin sont des gouaches sur carton qui témoigne également d’une finesse d’exécution.

Le petit portrait, objet sentimental et intimiste

Contrairement au grand portrait, généralement destiné à être vu du public, le petit portrait est un objet réservé à l’usage et au plaisir d’une seule personne ou de quelques proches. Encadré ou ornant des objets personnels (boîte, bijoux, tabatière, carnet de bal etc.), il s’offre en témoignage d’amour ou d’amitié. Avant la photographie, il est l’unique moyen de faire connaitre ou de se rappeler un visage à distance. Le petit portrait peut s’échanger dans les mariages arrangés, s’offrir entre parents séparés ou encore évoquer le souvenir d’un être disparu. N’ayant pas de fonction d’apparat, ils sont souvent réalistes afin d’évoquer au mieux la personne représentée.
Généralement portrait d’un être cher, demeurant toujours à portée de la main, la miniature est assurément un objet sentimental. Aujourd’hui muséifié et donc destiné à être visible du grand public, le portrait miniature demeure malgré tout un espace privé dans lequel il faut pénétrer. Il ne s’explore pas d’un seul coup d’oeil mais avec attention et minutie afin d’en appréhender tous les détails, en cela il conserve un caractère intimiste.

D’autres petits portraits... plus grands

Les musées de Saint-Omer possèdent d’autres types de petits portraits, plus grands toutefois que les portraits miniatures. Ainsi notamment la Tête de vieillard (ill. 5) provenant du legs consenti par Henri Dupuis en 1889.

Ill. 5 : Anonyme, Tête de vieillard, Pays-Bas, 17e siècle ?, huile sur bois, Saint-Omer, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 0012 CD

Huile sur bois réalisée par un artiste dont l’identité demeure inconnue et datée du 17e siècle, cette oeuvre mesure dix-neuf centimètres et demi de haut sur quinze centimètres de large. Sans concession ni idéalisation, la vieillesse est représentée dans ce portrait dont les marques du temps n’altèrent cependant en rien l’expressivité et la noblesse de ce visage altier à la barbe lissée.

En outre, le musée de l’hôtel Sandelin possède des petits portraits réalisés par Louis-Léopold Boilly, parmi lesquels un Portrait de femme (ill. 6).

Ill. 6 : Boilly Louis-Léopold, Portrait de femme, France, 1ère moitié du 19e siècle, huile sur toile, Saint-Omer, Musée de l’hôtel Sandelin, inv. 0258 CM

En buste et de trois-quarts, le portrait de cette femme est davantage psychologique que sociologique. La force et l’assurance du regard mettent l’accent sur la personnalité du sujet tandis que l’austérité du costume ainsi que le fond neutre et sombre mettent le visage particulièrement bien en valeur. Les petits portraits de Boilly, en buste et de format restreint (22 x 16.5 cm environ), peints en deux heures et peu coûteux, eurent un immense succès et contribuèrent à la réputation de l’artiste.

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